Non à l’instrumentalisation de l’Histoire par les politiques !
Tribune de l’APHG
Dans une tribune publiée par
France info,
l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) répond
au candidat à la primaire de la droite François Fillon, qui souhaite
réécrire les programmes d’histoire comme « un récit national ».
Étrangement, à chaque campagne
électorale, des candidats se penchent avec une dérangeante et
inopportune sollicitude sur l’enseignement de l’histoire : programmes,
méthodes pédagogiques font l’objet de déclarations à l’emporte-pièce,
d’affirmations péremptoires, de références à un passé qui n’est plus
d’actualité... d’autant plus malvenues que ces nouveaux procureurs n’ont
la plupart du temps jamais lu les programmes (ceux de 2010 pas plus que
ceux de 2015).
Cette méconnaissance profonde des questions enseignées, cette
défiance permanente à l’égard de tous les professeurs
d’histoire-géographie ignorent purement et simplement leur
investissement auprès des élèves, le travail quotidien, les projets
menés pour faire de nos disciplines une des clefs de la compréhension du
monde. Former des citoyens nous oblige à l’objectivité et au
développement du sens critique. Il est le premier rempart face aux
prosélytismes de tous bords et aux entreprises de destruction d’une
nation fondée sur la diversité, les principes qui nous rassemblent et
l’adhésion à un projet commun.
Il n’y a que dans les États totalitaires et autoritaires qu’existe
une histoire officielle, le plus souvent instrumentalisée à des fins
politiques et idéologiques, quand elle n’est pas délibérément travestie
et faussée.
La France, ses territoires, ses populations, ses régimes successifs,
sont une construction progressive, un emboîtement de processus
politiques, sociaux, économiques. Pas une création
ex nihilo.
Enseigner son histoire, c’est toujours la relier au contexte général
de chaque période, aux grands mouvements qui dépassent le seul cadre
français. La France a certes une histoire mais n’est pas un isolat.
Nous avons à transmettre des savoirs structurés et clairs, afin de
permettre à nos élèves de tous âges de se repérer dans le temps et
l’espace, de comprendre les liens entre passé et présent.
L’historien fait œuvre d’honnêteté, de sincérité, d’humilité et de
doute. Il réfléchit, archive, explore, recoupe, tâtonne avant d’écrire.
L’histoire, comme la géographie, est une discipline scientifique.
On n’enseigne pas l’histoire en déformant les faits, en les
présentant comme on aurait voulu qu’ils fussent. On enseigne une
histoire « vraie » c’est-à-dire celle qui s’appuie sur les sources. Pas
une histoire qui relèverait de l’invention ou du roman. Si récit il doit
y avoir, il ne peut être que celui qui prend en compte tous les acteurs
de cette histoire, et tous ses aspects, les moments où la France est du
côté du progrès, comme celle des heures sombres. Apprendre le passé
n’est pas le transformer.
Aucun professeur n’enseigne une histoire honteuse. Doit-on passer
sous silence les parts d’ombre de notre histoire ? Aujourd’hui plus que
jamais, notre métier réclame de la lucidité.
Nous laissons pour notre part la fiction aux romanciers, en demandant que l’histoire demeure de la compétence des historiens.
Pour le Bureau national de l’Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie,
Christine Guimonnet [1] et Hubert Tison [2]
Cette Tribune a été publiée le 25 novembre 2015 sur © France info
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